UG Krishnamurti

La négation libératrice de " l'état spirituel "



" Un jour vous vous apercevrez, ou plutôt vous vous éveillerez au fait que la quête même d'une réalité ultime n'est qu'un mécanisme d'auto-continuité. Il n'y a rien à atteindre, rien à gagner, rien à réaliser. "



         " Si vous avez le courage d'entrer dans la vie pour la première fois,
         vous ne saurez jamais ce qui vous a frappé.
         Tout ce qui avait été pensé, senti, expérimenté, est parti, *
         et rien ne le remplace. "



   Un visiteur : " Toutes les religions ont donné la priorité au désir de liberté, au paradis, à la libération, à Dieu sur tous les objectifs dignes d'être poursuivis. Mais si ces aspirations suprêmes sont vaines, comme vous paraissez le suggérer, ils seraient des désirs inférieurs, factices et par là même impossibles à satisfaire. Mais cela nous répugne : nous soutenons que certains désirs, en particulier ceux qui transcendent la " chair ", sont plus divins que d'autres. Pourriez-vous commenter ceci ? "

   U.G : " A moins d'être libéré du désir, de tous les désirs : moksha, libération, réalisation de soi, vous serez misérable. L'objectif suprême que la société nous a désigné est précisément celui qui doit disparaître. Faute d'être libéré de ce désir-là, vous ne pourrez pas vous délivrer de vos misères. Cette réalisation-là est essentielle, elle va droit au nœud du problème. C'est la société qui a établi cette priorité. C'est de ce désir de libération qu'il faut vous libérer. Tous les autres désirs retrouveront alors leur rythme naturel. Vous les supprimez soit par crainte des sanctions sociales soit parce que vous les considérez comme des " obstacles " à votre désir majeur – la libération.

   Si un retournement se produit en vous, vous vous trouverez dans un état primordial mais non primitif. Cela sans l'avoir voulu. Ça vous arrive et c'est tout. Cet homme libre n'est plus en lutte avec la société. Il n'est pas antisocial, il n'est pas en guerre avec le monde. Il sait qu'il ne peut être un dissident. Il ne se soucie pas du tout de changer la société. L'exigence du changement aura cessé. Tout acte volontaire quelle que soit sa direction est violence. Tout effort est violence. Tout ce que vous faites avec le concours de la pensée pour créer en vous un état de paix utilise la force et, par là même, est violence. Vous tentez d'imposer la paix par la violence. Yoga, méditations, prières, mantras sont des techniques violentes. L'organisme vivant est très paisible, vous n'avez rien à faire. Le paisible fonctionnement du corps ne se soucie pas plus que d'une guigne de vos extases, béatitudes et états mystiques.

   L'homme a abandonné l'intelligence naturelle du corps. C'est pourquoi je dis dans mon " chant funèbre " que l'homme qui a fait l'expérience d'une conscience séparée, isolée des autres animaux et supérieure à eux, a semé les graines de sa propre destruction. Cette vision pervertie de la vie pousse le mental tout entier vers la totale annihilation. Vous ne pouvez rien faire pour arrêter cela. Je ne suis pas un alarmiste. Je n'ai pas peur. Je ne m'attache pas au salut du monde. L'espèce humaine est de toute façon condamnée. Je me contente de dire que la paix que vous cherchez est déjà en vous, dans l'harmonieux fonctionnement de votre corps. "


In : " Le Mental est un Mythe " Les Deux Océans - Paris 1988



    * Cf.Farid-ud-Din ‘Attar :

        " Tout ce que tu as dit
        tout ce que tu as entendu
        tout ce que tu as su et vu
        n’est même pas le premier mot
        de ce que tu dois savoir
        Détruis ton " moi "
        car le monde en ruine n’est pas ta place "



   En un temps où tout se monnaie, où le plagiat lui-même se couvre de droits d'auteur, où les " directeurs spirituels " pullulent, l'attitude de U.G. mérite révérence :

   " Mon enseignement, s'il vous plaît de l'appeler ainsi, ne comporte pas de droit d'auteur. Vous êtes donc parfaitement libre de le reproduire, de le diffuser, de l'interpréter, de le déformer, de le dénaturer, faites comme bon vous semble. Vous pouvez même vous en attribuer la paternité, sans mon consentement ou la permission de qui que ce soit. " ( In.op.cit. )

 

Màj. 5/01/14