QUELQUES STANCES SUR LA MEDITATION

L'Energie est Souffle, Lumière et Son.

 

LE  SOUFFLE

1. Expiration, en haut; inspiration, en bas : sur la suprême Energie composée de ces deux pôles, on doit exercer une poussée ascendante. Chaque souffle étant maintenu en son lieu d'origine, la plénitude s'établit. (24)

2. La suprême Energie se manifeste lorsque le souffle inspiré et le souffle expiré, naît et s'éteint aux deux points situés en haut et en bas. Ainsi, entre deux respirations, fais l'expérience de l'espace    infini. (24)

3. Espace vide intérieur, espace vide extérieur : sur ce couple que forment les deux souffles, il faut s'exercer sans interruption. De cette manière la merveilleuse beauté de l'Energie divine et de la Conscience absolue se révélera. (25)

4. A travers le mouvement et l'arrêt du souffle, entre l'expiration et l'inspiration, lorsqu'il s'immobilise aux deux points extrêmes, coeur intérieur et coeur extérieur, deux espaces vides te seront révélés: Conscience et Energie, Plénitude et Vacuité. (25)

5. Le corps relâché au moment de l'expiration et de l'inspiration, perçois, dans la dissolution de la pensée duelle, le Coeur, centre de l'énergie où s'écoule l'Essence originelle et absolue. (26)

6. L'énergie sous forme de souffle ne peut ni entrer ni sortir lorsqu'elle s'épanouit au centre en tant que libre de dualité. Par son entremise, recouvre l'essence absolue. (26)

7. Lorsque tu as inspiré ou expiré complètement et que le mouvement s'arrête de lui-même, dans cette pause universelle et paisible, la notion du "moi" disparaît et la suprême Energie se révèle. (27)

8. Que l'on s'adonne à la rétention du souffle après l'expiration ou bien après l'inspiration. A la fin de cette pratique, l'énergie est dite « apaisée » et, grâce à elle, un état d'être apaisé se révèle. (27)

9. En pratiquant la friction des deux souffles, à l'extérieur ou à l'intérieur, le méditant deviendra à la fin le vase d'élection d'où surgit la Connaissance suprême de l'Egalité. (64)

 

LA  LUMIERE

1. Concentre l'attention entre les deux sourcils, garde ton esprit libre de toute pensée dualisante, laisse ta forme se remplir avec l'essence de la respiration jusqu'au sommet de la tête et là, baigne dans la spatialité lumineuse. (31)

2. Ayant fixé la pensée à l'intérieur du crâne, se tenant les yeux clos, peu à peu, grâce à la stabilité de la pensée, qu'on discerne l'éminemment discernable. (34)

3. Ferme les yeux, vois l'espace entier comme s'il était absorbé par ta propre tête, dirige le regard vers l'intérieur, et là, vois la spatialité de ta vraie nature. (34)

4. Que l'on dissolve sa pensée dans le centre supérieur de la tête, que l'on affermisse bien son intellect, que l'on imprègne son corps entier de conscience : alors, sans aucun doute, le signe caractéristique de la Réalité s'imposera. (50)

 

LE  SON

1. Il atteint le Divin suprême, celui qui s'immerge dans le son des sons, vibrant de lui-même et logé dans le réceptacle de l'oreille, son ininterrompu, tumultueux comme un fleuve. (38)

2. Entre dans le son spontané qui vibre de lui-même comme dans le son continu d'une cascade, ou mettant les doigts dans les oreilles, entend le son des sons et atteins l'immensité. (38)

3. Ayant bouché tes oreilles et fermé l'ouverture inférieure du corps en contractant l'anus, médite sur la pure résonance intérieure, sans consonne ni voyelle, entre dans l'éternelle immensité et touche ce qui n'est soumis ni à l'espace ni au temps. (114)

 

QUELQUES STANCES SUR LA PRATIQUE DE
LA PLEINE CONSCIENCE

1. Espace vide intérieur, espace vide extérieur : sur ce couple que forment les deux souffles, il faut s'exercer sans interruption. De cette manière la merveilleuse beauté de l'Energie divine et de la Conscience absolue se révélera. (25)

2. Dans toute activité, concentre-toi sur l'espace qui sépare l'inspiration de l'expiration. Ainsi, accède à la félicité. (64)

3. Qu'on fixe sa pensée dans le centre supérieur de la tête, où que l'on soit et par tous les moyens. L'agitation s'étant peu à peu abolie par l'arrêt progressif des fluctuations mentales, en quelques jours l'indescriptible se produira. (51)

4. Au moment précis où tu as l'impulsion de faire quelque chose, arrête-toi. Alors n'étant plus dans l'impulsion qui précède ni dans celle qui suit, la Réalisation s'épanouit avec intensité. (62)

5. Que la conscience pure qui vient de quitter un objet soit bloquée et ne s'oriente pas vers autre chose. Alors, grâce à ce vide intermédiaire, la Réalisation s'épanouit dans toute son intensité. (62)

 

NI  LIEN  NI  LIBERATION

1. Libère l'esprit de tout support et accède à la non-dualité Alors, le soi limité devient le Soi        absolu. (108)

2. Les vagues naissent de l'océan et s'y perdent, les flammes montent puis s'éteignent, le soleil surgit puis disparaît. Ainsi tout trouve sa source dans la spatialité de l'esprit et y retourne. (110)

3. Sans la pensée dualisante, par quoi la conscience pourrait-elle être limitée ? (134)

4. En réalité, lien et libération ne sont que des épouvantail à l'usage des poltrons et n'existent que pour ceux qui sont terrifiés par le monde et méconnaissent leur nature fondamentale. L'univers se reflète en l'esprit comme le soleil sur les eaux. (135)

 

NOTE : Ces stances sont une libre adaptation tirée de trois traductions du Vijñâna Bhairava Tantra, l'un des textes les plus anciens de la tradition shivaïte du cachemire. Les numéros entre parenthèses correspondent aux numéros traditionnellement donnés aux stances du texte d'origine.

- Le Vijñâna Bhairava - Texte traduit et commenté par Lilian Silburn (C.N.R.S.) - Ed. de Boccard.
- Cent douze méditations tantriques - traduit et commenté par Pierre Feuga - Ed. L'Originel.

- Tantra Yoga - traduit et commenté par Daniel Odier - Ed. Albin Michel.

 


Document édité par Pierre Vergeot en 1998. Maj: